La pédagogie dans l’utopie

Ce thème est devenu l’un des axes majeurs de la monographie que je prépare sur l’utopie dans la culture juridique. Grâce au travail de l’équipe du service des pédagogies innovantes et au centre d’accompagnement pédagogique de l’université, j’ai pu présenter cette conférence sur la pédagogie dans l’utopie, en septembre dernier. En espérant qu’elle vous intéressera, et stimulera votre propre réflexion sur la pédagogie, ou simplement vous amusera par ses citations parfois surprenantes !  

Le grand chantier de la science-fiction…

Je suis dans le TGV, en approche de Nice, après un court séjour parisien partagé entre une conférence à prononcer et une filleule à fêter comme il se doit. L’ensemble fut accompli, parfois dans une certaine agitation  🙂 Pour la soirée « Chantiers et science-fiction », je tiens tout particulièrement à remercier ici un fils et un père : Téo Hostaléry, le fils d’un ami proche, Sébastien Hostaléry qui est venu m’écouter et Roland Lehoucq, le célébrissime papa de Léonard Lehoucq qui était aussi présent, malgré une semaine bien chargée et qui m’a apporté son dernier ouvrage, « La science fait son cinéma », coécrit avec Jean-Sébastien Steyer et inaugurant, de surcroît, la toute nouvelle collection Parallaxe (Le Bélial). La classe. J’ai également croisé la route d’Anouk Legendre et d’Emmanuel Di Giacomo, architectes visionnaires, et de Valérie Nègre, commissaire très inspirée de l’exposition « L’art du Chantier. Construire et démolir du XVIème au XXIème siècle » à la Cité de l’Architecture de Paris, que je vous recommande d’aller découvrir, en suivant ce lien : 

https://www.citedelarchitecture.fr/fr/exposition/lart-du-chantier-construire-et-demolir-xvie-xxie-siecle

Je me rends compte, le temps passant, que je me dépouille de mes préjugés beaucoup plus facilement (qu’ils soient positifs ou négatifs) : le chantier, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé et je me suis rarement posé la question de ce qu’il y avait en amont des constructions altières de l’utopie ou de la science-fiction. Pourtant… en préparant cette intervention, j’ai réalisé à quel point, au-delà même des analogies et des métaphores, cet espace de construction, de transformation de la matière et de prolongement de la cité, avec ses bruits tonitruants, ses règlements, ses acteurs, ses points de vue divergents, et ses imprévus, bref, avec toute son agitation, ce désordre qui n’est pas un chaos, relève du processus créatif le plus jouissif, et rejoint ce que la science-fiction elle-même représente aujourd’hui pour le grand public : sous l’apparente neutralisation du genre qui l’assimile, de plus en plus, à une production commerciale préformatée, elle reste cette incroyable friche industrielle, ponctuée de ruines titanesques et d’herbes spéculatives que le vent de l’époque ne peut coucher, et témoigne d’un âge révolu où l’on croyait au progrès.

La science-fiction, lorsqu’elle sort ses tripes, provoque, tout comme le chantier, l’altération brutale des perspectives et permet de prendre conscience des limites du plan, aussi doué soit l’architecte qui l’a dessiné. Elle nous invite à regarder les retards éventuels des travaux, non plus comme un drame menaçant la bonne réception de l’oeuvre, mais plutôt comme une opportunité extraordinaire, celle de reconnecter l’humain, voire la société, à son adaptabilité première. Avec poésie et candeur, ou avec un sens absolu de l’auto-dérision, aussi sûr que celui de l’équilibre des ouvriers dansant sur le pont de Brooklyn avec une feinte désinvolture. Pour ceux qui ne les voient que de l’extérieur, le chantier est un joyeux « bordel » et la science-fiction un véritable « cirque ». Mais, qui s’y plonge vraiment, et se saisit des outils, comprend que le désordre est, finalement, la plus souhaitable des eunomies (= les lois du bonheur). Ce qui me ramène, évidemment, aux affaires familiales, chaque enfant, chaque parent d’une famille unie ou déchirée, initiale ou recomposée, me comprendra 🙂 

Dernière chose, car le clin d’oeil s’impose. Je repense au Liban qui, des quelques pays que j’aie pu découvrir, effleurer, dans mes modestes péréginations, est sans doute celui qui m’a mis le plus l’esprit… en chantier, au meilleur sens du terme. Parce que Beyrouth, elle-même, est une ville en chantier, en perpétuelle transformation, qui s’interroge sur le foisonnement de ses cultes, de ses peuples, de ses enfants, et questionne ses failles et ses forces, jusqu’au sens même du mot « Proche-Orient ». « Proche » est-il à envisager géographiquement ou affectivement ? Pour moi, désormais, la réponse est claire : il y a des personnes qui me sont chères, là-bas. Et « Orient », est-il à prendre comme aboutissement ou comme racine ? Là encore, et, au risque de faire des associations peu orthodoxes, la racine me fascine. Orient, comme orientation. Orient comme désorientation. Orient, comme réorientation ?